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La productivité globale des facteurs
Article mis en ligne le 8 mars 2007
dernière modification le 9 mars 2007

par Jean-Paul Simonnet

Productivités partielles et globales, productivité totale et progrès technique

Ces compléments doivent être reliés à l’article consacré à Fonction de production et contribution des facteurs à la croissance de la production

En calculant la productivité d’un facteur, on fait l’hypothèse irréaliste que ce facteur peut être isolé des autres. En réalité le travail et le capital sont combinés pour produire. Les productivités du travail et du capital, apparentes ou effectives sont des productivités partielles. Pour mesurer l’efficacité d’une combinaison productive il faut calculer la productivité globale des facteurs.

La production étant obtenue à partir d’une combinaison des deux facteurs, le travail et le capital, la productivité globale des facteurs doit avoir comme dénominateur une expression contenant cette combinaison.
Si on veut calculer la productivité globale effective il faudra retenir au dénominateur le flux des services producteurs des facteurs à partir de ceux du travail et du capital en tenant compte de la part respective du travail et du capital dans la production.
C’est ici que se trouve la principale difficulté : comment mesurer la part de la production qui revient au travail et celle qui revient au capital ?
On ne règle pas ce problème en disant que la productivité globale est une moyenne de la productivité du travail et de celle du capital car c’est une moyenne qu’il faut pondérer. Comment calculer les coefficients de pondération ?

Pour mesurer les contributions respectives du travail et du capital, les économistes font une hypothèse sur la fonction de production, c’est-à-dire qu’ils établissent une relation mathématique entre quantité produite (volume de la production) et quantités respectives des deux facteurs.

La plupart des économistes considèrent qu’il existe une relation forte entre la contribution d’un facteur à la production et sa rémunération.
 [1]
Le calcul du producteur le conduit logiquement à partager la valeur produite (la valeur ajoutée) entre le travail et le capital à partir des raisonnements précédents :
les travailleurs reçoivent une rémunération correpondante à leur contribution, et l’entreprise conserve le reste comme rémunération de la contribution du capital.
Si les salariés reçoivent 60% de la valeur ajoutée cela veut dire qu’ils ont contribué pour 60% à la création de cette valeur ajoutée et que le reste provient du capital si on suppose que toute la valeur ajoutée est distribuée seulement et en totalité, entre les deux facteurs.
Il y a donc un lien entre théorie de la répartition des revenus et théorie de la production et les économistes « remontent » des résultats observables de la répartition vers les résultats impossibles à obtenir directement pour la production.
La part des salaires dans la valeur ajoutée notée « a », est mesurée dans les comptes nationaux, la part du capital est le complément à 100% de ce résultat, soit, « 1 - a ») ; cela permet de calculer la productivité globale en utilisant comme pondération des contributions respectives du travail et du capital, les coefficients traduisant la répartition.

On montre que si les hypothèses précedentes sont acceptées, la productivité globale effective des facteurs de production s’écrit :

valeur ajoutée
(services producteurs du travail)
a + (services producteurs du capital)(1 - a)

Mais la méthode et ses conclusions reposent entièrement sur l’hypothèse que la répartition des revenus est bien l’expression du partage complet de la production entre travail et capital sur la base des productivités, ce qui est très discutable.

En acceptant cette définition de la productivité globale des facteurs il devient possible de l’interpréter.

La valeur ajoutée augmente dans trois circonstances :

  • l’utilisation d’une plus grande quantité de capital
  • l’utilisation d’une plus grande quantité de travail
  • une meilleure efficacité de la combinaison productive.

Une meilleure efficacité de la combinaison productive c’est une croissance de la productivité globale des facteurs, et c’est aussi la part de l’augmentation de la production qui ne provient pas de l’augmentation des quantités de travail et de capital.

Dans la distinction entre « croissance extensive » et « croissance intensive » c’est la partie intensive. On dira que la croissance de la productivité globale est la conséquence ou la manifestation du progrès technique.

Dans ces conditions le progrès technique susceptible d’expliquer le rythme de croissance de la production peut être traité comme un résidu statistique.
Si la production augmente de 4%, et que les quantités respectives de travail et de capital n’augmentent pas, cela veut dire que la productivité globale des facteurs a augmenté de 4%, sous l’effet d’un progrès dans l’utilisaion des facteurs, c’est-à-dire sous l’effet d’un progrès technique.

On utilise deux expressions voisines pour désigner la productivité de l’ensemble des facteurs : productivité globale des facteurs et productivité totale des facteurs.

[*La PGF est le rapport du volume de la production à la dépense totale en facteurs de production soit :*]

PGFt = Qt / (w . Nt + r . Kt)

avec Q pour le volume de la production, N pour la quantité de travail et w le prix d’une unité de travail, K la quantité de capital et r le prix d’une unité de capital.

[*La PTF est déduite de la fonction de production :*]

PTFt = Qt / (Nt a . Kt 1 - a)

où a et (1 - a) sont les parts de la rémunération du travail et du capital dans la valeur ajoutée.

De cette expression on déduit facilement que le taux de croissance de la PTF est la moyenne géométrique des taux de croissance des productivités du travail et du capital pondérés respectivement par a et (1 - a).

On peut aussi en déduire que la croissance de la productivité du travail est la somme de la croissance de la PTF et de la croissance de l’intensité capitalistique [2] pondérée par (1 - a).

Si on s’intéresse aux dénominateurs utilisés pour calculés la PTF et la PGF on voit qu’ils n’évoluent pas de la même façon. L’indice d’évolution du volume des facteurs dans la PTF est une moyenne géométrique pondérée de l’indice d’évolution des quantités de travail et de capital alors que l’indice d’évolution du volume des facteurs dans la PGF est une moyenne arithmétique pondérée des indices d’évolution des quantités de travail et de capital.

Ainsi la PTF augmente un peu plus rapidement que la PGF, mais l’écart est assez faible pour être négligé.
C’est probablement ce qui explique que les chercheurs utilisent alternativement l’une ou l’autre désignation.

[(

Pour aller plus loin :

)]

Sur le site de l’OCDE les statistiques pour la productivité du travail et la productivité multifactorielle sont disponibles sur cette page d’accueil

  • Mesurer la producvité : mesurer la croissance de la productivité par secteurs et pour l’ensemble de l’économie. Manuel de l’OCDE, (OCDE) 2001 (pdf de 165 pages).
  • Manuel de la Productivité de l’OCDE : Guide de Mesure de la Productivité Intraindustrielle et Interindustrielle, par Paul Schreyer (OCDE) Observatoire international de la productivité, printemps 2001 (commentaire du manuel précédent).
  • Que mesure la productivité totale des facteurs ? par Richard G. Lipsey (Université Simon Fraser) et Kenneth Carlaw (Université de Canterbury) article publié en 2000 par l’Observatoire international de la productivité.
  • La productivité du travail : une perspective internationale, par Raymond Van der Putten et Eric Vergnaud, Conjoncture BNP Paribas, juin 2003.
  • Nouvelle économie et transformations du capitalisme, par Jean-Marie Harribey (Université de Bordeaux), Stage « Nouvelle économie », IUFM Bordeaux, 21-22 mars 2001
  • Pourquoi les Américains sont-ils plus productifs que les Canadiens ? par Andrew Sharpe, Centre d’étude des niveaux de vie, Observatoire international de la productivité, printemps 2003.
  • Peut-on parler d’une rupture de tendance du progrès technique ? par Laurent Bouscharain et Mahmoud Jlassi, Division “Croissance et politiques macroéconomiques” (INSEE) Note de conjoncture décembre 1998.
  • Mesurer la productivité, par Paul Schreyer et Dirk Pilat, Revue économique de l’OCDE n° 33, 2001/II