SES Limoges
Slogan du site

Site académique pour les sciences économiques et sociales.

Les conférences du forum « La nouvelle critique sociale »
Article mis en ligne le 12 février 2007

par Jean-Paul Simonnet

Forum « La nouvelle critique sociale »

Organisé par le journal Le Monde, mai 2006. Les conférences sont disponibles sur le site du quotidien ou directement ci-dessous.

Les inégalités sont devenues plus insidieuses. Aux inégalités de position sociale (revenu, patrimoine, etc.) se surajoutent des inégalités de trajectoire et de statut dans l’emploi, qui ne suivent pas toujours les découpages socioprofessionnels traditionnels. Plus difficiles à localiser et à mettre en évidence, elles conditionnent le rapport de chacun à l’avenir autant, voire plus qu’au présent.
L’individu est peut-être moins la cause des problèmes sociaux actuels que le lieu où ils se cristallisent. L’individu contemporain vit en effet déchiré. En lui peuvent coexister un citoyen attaché à la mixité sociale et un parent d’élève à la recherche de la meilleure école pour ses enfants ; un salarié qui a peur pour son emploi et un consommateur qui achète chinois ; un employé qui redoute la financiarisation de l’économie et un actionnaire pragmatique. Les contradictions des individus sont nombreuses. On les analysera comme des symptômes d’une société où les rapports à l’engagement, à l’idéal et à la réalité se compliquent.
L’égalité avance mais dans le paradoxe. Malgré l’instauration de mesures d’action positive et une vigilance accrue des médias et des associations, l’inégalité entre les sexes reste la norme. C’est le cas dans la vie sociale et politique comme dans la sphère domestique. Le décalage entre l’égalité proclamée et l’inégalité vécue se résorbera-t-il par l’évolution naturelle des mentalités ou doit-on durcir le dispositif légal afin d’accélérer le progrès ?
La crise de la représentation est flagrante et témoigne du malaise de la démocratie française. Méfiance à l’égard de la classe politique, d’une part, désintérêt apparent du citoyen pour la chose publique, de l’autre : le diagnostic est apparemment simple. Emerge pourtant aussi des choses positives : nouvelles formes d’engagement citoyen...
Que peut l’école face aux discriminations et aux inégalités qui érodent le pacte social ? Objet de toutes les attentes, sommée de résoudre les inégalités et de relancer l’ascenseur social, elle apparaît et se vit souvent comme impuissante. L’école est-elle le lieu où peuvent se dénouer ces discriminations ?
Les anciennes formes de sociabilité sont mises à mal : l’urbanisation rend les rapports humains plus anonymes, l’entreprise fragmente plus qu’elle ne rassemble, le nombre de divorces et de familles monoparentales augmente, les handicaps et la vieillesse isolent dans une société où la perfection corporelle et la jeunesse sont des valeurs en soi.
La canicule de l’été 2003 entraînait la mort de 14 800 personnes âgées. Cet événement a révélé les faiblesses des liens familiaux et les lacunes d’un Etat-providence pourtant censé prendre soin des citoyens du berceau à la fin de vie. Il est nécessaire de redéfinir les champs de la solidarité nationale à la lumière des mutations économiques et sociales en cours. De la crise des banlieues à l’exclusion et au chômage, s’impose de plus en plus clairement l’urgence de reformuler les termes du contrat social.
Il semble loin le temps où les conflits sociaux se résumaient pour l’essentiel aux conflits du travail menés par les grands syndicats. Ceux-ci n’ont bien sûr pas disparu, mais à côté de ces manifestations classiques émergent de nouvelles formes de conflictualité. Ces mouvements sont plus spontanés, moins organisés, plus jeunes aussi : la tentation est grande de les opposer aux précédents. Est-ce justifié ?
Les émeutes de novembre 2005 ne constituent pas des incidents isolés : depuis les rodéos de l’été 1981, les cités françaises connaissent à intervalles réguliers des explosions de violence qui affolent les pouvoirs publics et ne semblent pas trouver de solutions. Ces crises révèlent, entre autres, les faiblesses du modèle français d’intégration. Quel bilan tirer de trois décennies de politique de la ville ? Quelles pistes pour l’avenir ?