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Surplus de productivité
Article mis en ligne le 8 mars 2007

par Jean-Paul Simonnet

Il existe deux méthodes pour calculer les [*gains de productivité*].
Elles sont logiquement distinctes puisque dans un cas la démarche est analytique et peut être employée par la suite dans un modèle théorique (par exemple une prévision), alors que la seconde méthode est uniquement rétrospective donc seulement descriptive.

  • La première méthode repose sur la construction d’une fonction de production puis sa décomposition pour repérer les contributions respectives des facteurs de production. Elle est en fait, le développement analytique des définitions de la productivité. En mesurant la part de la croissance du PIB qui provient du fait qu’on a utilisé plus de travail et plus de capital [1], on mesure par différence la part de la croissance qui provient de l’amélioration de l’efficacité des facteurs de production [2] et on appelle cette part « gain de productivité » ou « croissance de la productivité globale des facteurs de production ».
    Cette méthode est exposée dans un autre article
  • La seconde, qui fait l’objet du présent article, part d’une idée simple : le surplus de richesse réalisé est distribué entre tous ceux qui participent à sa réalisation, salariés, apporteurs de capitaux, pouvoirs publics et consommateurs. [3]
    Donc en faisant la somme des gains et des pertes réalisés par chacun des participants au partage on retrouve le supplément de richesse dégagé dans la période.
    Lorsque cette méthode a été initiée il s’agissait de mettre en place une politique des revenus destinée à rendre compatibles les évolutions des rémunérations facteurs et des prix des produits (en particulier des salaires et des prix). [4]
    Cette méthode des comptes de surplus de productivité peut sembler complexe pourtant elle est l’application pure et simple de calculs arithmétiques élémentaires et elle a l’avantage de donner des résultats intéressants et incontestables puisqu’ils sont établis à partir de faits constatés et non pas d’hypothèses plus ou moins fortes sur une fonction de production censée décrire l’appareil productif.
Les « comptes de surplus »

La richesse produite chaque année dans une économie (le PIB) est distribuée aux facteurs de production (capital et travail) sous la forme de salaires et de profits.
Une partie de cette richesse est directement prélevée par l’État sous forme d’impôs assis sur la production (comme les impôts sur les salaires) et sur les produits (la TVA par exemple). Une partie de ces impôts est redistribuée aux agents sous la forme de subventions.
Si pour simplifier les écritures on néglige la distinction entre salariés et non salariés et les impôts et subventions évoqués ci-dessus, le partage de la valeur ajoutée totale (le PIB) s’écrit :

(1) PIB = Salaires + EBE

expression dans laquelle les salaires représentent la masse salariale de l’ensemble de l’économie, y compris les cotisations sociales à la charge des employeurs ; l’excédent brut d’exploitation (EBE) représente quant à lui la rémunération du capital installé [5]

On peut faire apparaître les rémunérations unitaires des salariés et le profit par unité de capital en introduisant dans la relation (1) les quantités de travail (N étant le nombre de salariés), et de capital (K) et les prix unitaires des produits (p) du travail (cw pour coût unitaire du travail), et du capital (ck pour coût unitaire du capital) :

(2) p . Y = (cw . N) + (ck . K)

où : Y représente le PIB en monnaie constante

Dans une période les prix et les quantités de toutes les variables peuvent se modifier. En notant « d » les variations on passe de :

(2) (p0) . (Y0) = (cw0 . N0) + (ck0 . K0)

à

(3) (p0 + dp) . (Y0 + dY) = (cw0 + dcw) . (N0 + dN) + (ck0 + dck) . (K0 + dK)

soit en faisant la différence membre à membre

(4) dp.Y0 +dp.dY + p0.dY = dcw.N0 +dcw.dN + cw0.dN + dck.K0 +dck.dK + ck0.dK

ou encore

(5) p0.dY - cw0.dN - ck0.dK = dcw.N0 + dcw.dN + dck.K0 + dck.dK - dp.dY - dp.Y0



[*Le membre de gauche de la relation (5) représente le surplus de productivité redistribué aux facteurs de production en supplément de leur rémunération normale*].

On remarquera cependant que cette décomposition ne constitue en aucune manière une explication du partage (on ne sait rien des raisons qui ont conduit à une augmentation plus ou moins forte des salaires) pas plus qu’elle ne permet de comprendre d’où provient le gain de productivité réalisé.

Si on réintègre l’État et si on introduit les échanges avec l’extérieur, le surplus sera constitué des gains de productivité globale des facteurs (PGF), des termes de l’échange et de la part de l’Etat.

[*Les gains de PGF constituent la part de la croissance qui n’a pas pour origine la mise en œuvre des facteurs de production.*]

Il s’agit donc d’un supplément de richesse sans coût dont le rythme de croissance de long terme est de 1 % par an en moyenne.
À ce surplus de productivité s’ajoutent les termes de l’échange qui représentent l’écart de croissance des prix du PIB relativement à ceux de la demande intérieure. Un écart négatif rend compte du fait que les prix à l’importation ont crû plus rapidement que ceux du PIB, en raison d’un renchérissement des importations (du fait d’une hausse des prix du pétrole par exemple, ou d’une dépréciation du change). Une dégradation des termes de l’échange ampute donc le surplus distribuable.

Enfin, la part de l’État permet d’améliorer la quantité de surplus distribuable lorsque le poids de la fiscalité indirecte (telle que la TVA) diminue.

Ces trois éléments représentent la quantité de surplus qui est distribuable aux facteurs de production.

Les revenus du travail et du capital incluent les prélèvements qui pèsent sur le travail salarié (cotisations sociales salariées et patronales ainsi que l’impôt sur le revenu), sur le travail non salarié(cotisations des non-salariés et impôt sur le revenu) et sur le capital (impôt sur les revenus du capital). Ainsi, à quantité de surplus distribuable donnée, une baisse de la fiscalité directe pesant sur l’un des facteurs permet une amélioration transitoirement plus importante du pouvoir d’achat de la rémunération nette de ce facteur.

Voici quelques résultats fournis par le CERC (centre d’étude des revenus et des coûts) [6] et l’INSEE :

Analyse de longue période 1960-1988 (CERC)

source : CERC

Analyse de longue période 1971-1992 (INSEE)

source : INSEE

Analyse de la période récente (INSEE)

On observe immédiatement la rupture entre la période 1960-1973 avec une productivité globale des facteurs qui augmente de 3% par an et les périodes suivantes caratérisées par une productivité globale augmentant lentement.

Dans le troisième tableau on voit bien l’écart qui existe entre la croissance du PIB et la croissance de la PGF (productivité globale des facteurs). Cet écart c’est la croissance extensive, celle qui repose sur l’utilisation d’une quantité ; plus importante de travail et de capital.