Du néerlandais en cours de français ? Quelle idée !

lundi 14 avril 2014
par  Pascale CHWALEK
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En début d’année scolaire 2013-2014, je suis gentiment invitée par Rebecca Dahm à intégrer le groupe ERR plurilinguisme. En tant que professeur de français je me demande quelle place je vais pouvoir trouver dans ce groupe et ce que je vais pouvoir en tirer pour mes cours.

Lors de la 1ère journée Rebecca rappelle les principes fondamentaux.
En passant par une langue étrangère, la langue devient objet de réflexion et non plus d’apprentissage. Il s’agit de développer la curiosité, l’envie d’apprendre. L’élève agit et réfléchit, et ce faisant développe l’estime de lui-même : il multiplie les tentatives, en repoussant les préjugés sur les difficultés d’accès à la langue. Le professeur modifie ses pratiques : il devient « facilitateur », « passeur » en mettant en place un travail de collaboration à l’intérieur des groupes.

Ces remarques entrent en écho avec mes préoccupations :
  Depuis quelque temps je m’ouvre au travail de groupes, pratique que je n’avais jamais abordée auparavant par peur du bruit, du manque de maîtrise…
  Je me plains régulièrement du fait que les élèves soient « blasés » en cours de français : les notions abordées ont déjà été vues et revues et ne suscitent plus de curiosité. Ils ne s’impliquent donc pas véritablement et ne donnent pas sens aux apprentissages.

L’idée germe alors que je pourrais réutiliser les séances de Néerlandais pour créer un effet de surprise chez mes élèves et les amener à s’approprier véritablement le fonctionnement des déterminants possessifs (notion que je viens d’aborder avec ma classe de 6° sans parvenir à sortir d’une énième récitation mécanique).
Suite à cette journée j’ai mis en œuvre les séances NL S1 et NL S2 (voir « Donner du sens aux concepts grammaticaux en français. »)

La curiosité des élèves a vraiment été piquée et ils ont relevé le défi du « décryptage » de la lettre avec un incroyable dynamisme, dynamisme et curiosité qui ne se sont pas démentis quand nous avons abordé le point grammatical.

Du point de vue des élèves, cette expérience a été très positive.
En voici quelques preuves.
« On a bien aimé car c’était original. Chacun avait son rôle pour essayer de traduire cette lettre. On a vu que ça ressemblait beaucoup à l’anglais. Les déterminants ne sont pas utilisés de la même façon qu’en français. On a beaucoup apprécié car ça sort des exercices normaux. »
« On ne savait pas au début en quelle langue était cette lettre. On a décrypté les déterminants et ce qu’ils voulaient dire. Cette lettre a été envoyée d’un correspondant. Je me suis dit que cette lettre était indécryptable et que l’on n’arriverait jamais à trouver ce que cette lettre voulait dire mais on y est arrivé ! »
On a essayé de trouver ce que voulaient dire « zajn » et « najn » : on a découvert que c’était des déterminants. »
« J’ai pensé que c’était une langue bizarre impossible à décrypter mais on y est parvenu. Il y avait des mots qui ressemblaient à de l’anglais. Il y avait la description du correspondant et de sa famille. On a trouvé des déterminants possessifs. »
« Je me rappelle que la lettre commençait par « Je m’appelle ». Il avait des frères et des sœurs. On avait fait plein de déductions. J’ai bien aimé ce cours. C’était intéressant ! On a fini par étudier les déterminants possessifs dans ces 3 langues. On a fait un grand schéma complexe. »

De mon point de vue de professeur l’expérience a également été extrêmement concluante.
Nous sommes sortis de la routine et du sentiment de « déjà-vu » que je trouve dévastateur dans le rapport des collégiens avec les cours de grammaire au collège. Les élèves m’ont donné l’impression de réellement découvrir un fait de langue et de se l’approprier.
Par ailleurs le travail en autonomie leur prouve et me prouve qu’ils ont des ressources insoupçonnées. Alors qu’en disposition frontale, les élèves donnent souvent l’impression d’être passifs et parfois en difficulté, le travail en groupe révèle un véritable potentiel.
Quant à la gestion de ce travail en groupes, elle s’est révélée beaucoup plus aisée que je ne pensais…même s’il est toujours culpabilisant pour un enseignant de très peu intervenir… Ce mode de fonctionnement s’est révélé tellement fructueux que je le reproduis depuis très régulièrement !

Un vrai bol d’air, merci l’ERR !

Pascale Chwalek, enseignante de français, collège Anna de Noailles


N’hésitez-pas à consulter l’article écrit par Pascale sur la conceptualisation grammaticale.